A propos

Né le 2 mars 1970 à Paris. Musicien-phare d’une génération curieuse qui, à l’image de Miles Davis en son temps, a su rester ouverte aux évolutions des musiques populaires de son temps, Julien Lourau s’est imposé comme l’une des figures essentielles du jazz en France tout en restant sciemment à l’écart des chapelles esthétiques, renouvelant fréquemment ses directions musicales et ses associations. Elevé à Rambouillet, dans un esprit libéral marqué par les idées de Mai-68 (son père est le sociologue René Lourau, penseur de l’autogestion pédagogique et théoricien de l’analyse institutionnelle), il découvre le saxophone à l’âge de onze ans, d’abord l’alto (dont il joue encore occasionnellement), puis le ténor et le soprano sur lesquels il s’exprime à parts égales. Adolescent, il pratique le funk, le rhythm’n’blues, le jazz-rock, allant chercher dans le jazz une école de l’exigence instrumentale et de la polyvalence. Délaissant sa scolarité, il travaille d’arrache-pied à forger sa technique, renonçant à fréquenter les écoles de musique au profit d’un apprentissage autodidacte au fil duquel il remonte l’histoire du jazz, depuis Michael Brecker et Joe Lovano jusqu’à Coleman Hawkins en passant par John Coltrane, Sonny Rollins, Stanley Turrentine et Wayne Shorter qui façonnent son phrasé et sa sonorité. Fréquentant l’underground parisien à la charnière des années 1990, Julien Lourau noue des relations – dont certaines durent jusqu’à présent – avec des musiciens de sa génération pour qui le jazz n’est qu’un domaine d’expression au sein d’un vaste ensemble de musiques. Sa rencontre avec le pianiste Bojan Zulfikarpasic, fraîchement arrivé de Sarajevo, et le guitariste Noël Akchoté, débouche sur une nébuleuse de groupes dont le principal reste Trash Corporation. Faute de disque, la formation, qui mêle free-funk façon Prime Time d’Ornette Coleman, folklore yougoslave et influence punk-rock, ne laissera qu’une trace liée à sa réputation mais vaudra aux trois musiciens d’être repérés par Henri Texier qui les intègrera à son Soñjal Septet. Parallèlement à des collaborations avec Marc Ducret (projet Seven Songs from the Sixties), Yves Robert et Vincent Courtois (Pendulum Quartet), Julien Lourau fonde le Groove Gang en 1992, année où il remporte un prix de soliste au Concours national de La Défense. Cette formation juvénile se distingue non seulement en remettant en vogue un terme qui a depuis fait florès mais surtout en basant son inspiration sur des « tourneries » rythmiques empruntées aux folklores slaves, africains, caraïbes, latino-américains, qui témoignent tant d’une ouverture aux musiques du monde qu’à un ancrage dans les cultures urbaines du jazz, du funk et du hip-hop. Soudé comme un groupe de rock, le Groove Gang sillonne l’Hexagone avant d’être dissout par son leader après avoir conquis une véritable popularité. En marge, le saxophoniste a intégré quelque temps l’ONJ de Laurent Cugny et, par l’intermédiaire de celui-ci, accompagné sur scène et sur disque, la chanteuse américaine Abbey Lincoln (A Turtle’s Dream, 1994, et Who Used to Dance, 1995). La parution de Gambit en 1999 marque une nouvelle orientation, plus individuelle. Enregistré sur la durée, avec une équipe entièrement renouvelée (hormis le flûtiste Magic Malik), ce disque illustre l’intérêt prêté par Julien Lourau aux nouvelles musiques électroniques dont il a pu découvrir la richesse à l’occasion d’un séjour prolongé à Londres où il fréquente en club les soirées drum’n’bass et s’imprègne des expérimentations du joueur de tabla Talvin Singh. Attentif au travail du DJ Fred Galliano avec la chanteuse malienne Nahawa Doumbia, nouant une collaboration durable avec son comparse Jeff Sharel, Lourau se familiarise avec les rythmes de la house et de la jungle et la culture de la boucle et s’initie à l’utilisation des machines et à la programmation. En 2002, The Rise marque à la fois un retour à une musique acoustique, au saxophone ténor, des retrouvailles avec le piano de Bojan Z, un recentrage sur le jazz et un intérêt grandissant pour les musiques latino-américaines, conséquence de plusieurs voyages en Amérique du Sud. Album en forme de bilan, hommage à la figure paternelle disparue, The Rise par sa forme éclatée amorce de nouvelles pistes. Ces dernières années, Julien Lourau a ainsi exploré plusieurs directions musicales dont il avait semé les graines pendant la décennie précédente. Le diptyque Fire & Forget (2005) a marqué un retour à une coloration rock, due en grande partie au Fender Rhodes trafiqué de Bojan Z et à la guitare d’Eric Löhrer (déjà fréquenté à l’époque de l’éphémère Olympic Gramofon en 1996) et à une certaine forme de conscience politique qui se traduit dans les textes de John Greaves et d’Allonymous. L’intérêt du saxophoniste pour les musiques urbaines, électroniques et hip-hop, s’est prolongé par des collaborations avec le collectif des Troublemakers, le flûtiste Ji Dru ou encore le projet Brighter Days (2007) en étroite collaboration avec Jeff Sharel. Sa culture rythmique et sa maîtrise des mètres impairs ont fructifié dans des échanges nourris avec le percussionniste argentin Minino Garay, le collectif afro-cubain de Paris Rumba Abierta (2007), et au sein du trio Bozilo (avec Bojan Z et le batteur algérien Karim Ziad) dans lequel il se confronte aux rythmes des Balkans et du Maghreb. Enfin, son attachement à la culture du jazz et à ses développements contemporains l’ont amené à créer un quartet international baptisé Saïgon (du nom de la ville où il fut initialement constitué) dans lequel, associé au pianiste Laurent Coq coresponsable du répertoire, il revient à une expressivité qui s’ancre dans son amour originel pour le jazz, sous l’égide principale de Wayne Shorter avec qui il fut, ainsi que Steve Coleman, l’un des invités d’honneur de l’édition 2007 du festival Jazz à La Villette.

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